la taille directe intuitive

Travailler le marbre en Sculpture

Entre résistance et révélation

Quand j’ai touché pour la première fois un bloc de marbre, je ne savais pas encore que ce serait un face-à-face intime avec le temps, le silence, et moi-même.

Le marbre est tout sauf docile. Il est noble, capricieux parfois, mais aussi incroyablement généreux.

 À chaque coup de massette, c’est comme si la pierre me racontait quelque chose.

C’est ce lien, presque secret, que je veux partager.

Tout commence par le bloc

Ce n’est pas une matière qu’on choisit à la légère. Chaque marbre a son histoire : un blanc lumineux venu de Carrare, une pierre veinée trouvée dans le Sud-Ouest, un grain serré qui résiste sous les doigts.

 On ne travaille pas le marbre, on négocie avec lui. Il faut le regarder, le tourner, l’écouter presque.

Parfois, je passe des heures juste à observer le bloc, à imaginer ce qu’il cache. Une ligne de faille, une veine qui traverse comme un souvenir. C’est là que naît l’idée. Non pas une idée figée, mais une forme possible, une émotion à libérer.

L’ébauche d’une forme, d’un lien

Je dessine souvent, ou je modèle une petite maquette. Mais je sais que le véritable dialogue commence quand je pose les outils sur la pierre. Le bruit du ciseau, la poussière qui s’élève doucement, c’est un rituel.

Il faut aller lentement. Dégrossir sans brutaliser. Laisser le geste devenir précis, presque instinctif. Parfois, je me perds dans le geste, je sculpte des heures sans voir le temps passer. D’autres fois, je reste bloqué, comme si la pierre me disait : « Pas encore. »

Des outils anciens, un art vivant

Dans mon atelier à Boissezon, il y a des gradines, des ciseaux plats, des rifloirs… et quelques outils modernes aussi. Mais rien ne remplace la main, le rythme du corps, cette manière d’appuyer un peu plus fort, ou de reculer juste à temps.

Le marbre ne pardonne pas. Une erreur, et c’est toute la pièce qu’il faut repenser. Mais c’est aussi ce qui me plaît : cette exigence qui force à être vrai.

Le moment du polissage

C’est l’instant que je préfère : quand la pierre devient peau, que les aspérités disparaissent, que la lumière commence à glisser sur la surface. Je polis à l’eau, à la pierre ponce, au papier abrasif — grain après grain, comme on lisse un souvenir.

Et parfois, je décide de laisser une partie brute, pour rappeler d’où vient la matière. Parce que tout ne doit pas être lisse. Parce que le marbre, c’est aussi sa rugosité.

Ce que le marbre m’apprend

Travailler le marbre, c’est un peu comme apprendre à se taire. Il m’a appris la patience, le doute, la beauté du geste lent. Il m’a aussi appris que l’erreur fait partie du chemin, que ce n’est pas la perfection qu’on cherche, mais une vérité fragile, enfouie dans la pierre.

Quand je sculpte, je ne crée pas : je révèle. Je cherche la forme qui était déjà là, comme si elle m’attendait.

Une matière à apprivoiser

Si vous avez l’occasion un jour de toucher le marbre, de le tailler, même un petit morceau, je vous le recommande. Ce n’est pas qu’un matériau froid et dur : c’est un miroir ancien, un espace où résonnent nos gestes les plus humains.

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